Depuis maintenant plus d’une dizaine d’années la cartographie des villes, tâche autrefois assumée par les organismes militaires et étatiques en raison des besoins matériels nécessaires, est prise en charge par des entreprises privées. Parmi les plus connues, le service du géant californien Google Maps. Au début des années 2010, ce service de cartographie en ligne, s’enrichit en proposant une nouvelle manière de voir le territoire par des photographies immersives à différents points de l’espace photographié. Ce nouveau service, Google Street View, est réalisé alors à l’aide d’une voiture, la Google Car, qui photographie les espaces à distance régulière avec une caméra 360. L’évolution très rapide de cette application sera alors, de déporter le travail de la voiture équipée sur les utilisateurs de Street View. À partir de là, chaque point de vue capturé constitue une participation subjective à cette cartographie photographique. Mais, lorsque l’on considère ces images dites « photo-sphères » deux aspects se révèlent problématiques : le premier réside dans le fait de faire reposer la production sur les utilisateurs en créant une logique de microtravail non rémunérée ; le second, réside dans les qualités des images qui fixent le point de vue au centre de l’image. Ce point de vue correspond alors à une certaine hauteur, selon la taille du photographe, une certaine interprétation du lieu, etc. Autrement dit, chaque image est le point de vue de celui qui la produit et elle ne s’adapte en aucun cas aux points de vue de ceux qui vont la regarder.
Dans ce contexte, deux ouvertures sont possibles : d’une part, si la démarche participative est nécessaire à la constitution d’une telle base de données, alors les initiatives open source, comme Open Street Map et Mappilary, semblent présenter une meilleure possibilité d’engagement étant donné que la plateforme demeure accessible à tous sans pour autant donner une force de travail à une entreprise qui s’en servira pour générer des gains ; d’autre part, puisque nous vivons dans des temps où les subjectivités non humaines sont sur le devant de la scène – qu’il s’agisse de celles des animaux (véganisme), des éléments naturels (écologie), ou encore des machines (intelligence artificielle) – pourquoi ne pas proposer des points de vue sur la ville qui n’enferment pas les utilisateurs dans les corps des participants, mais qui proposent plutôt des expériences que l’homme ne pourrait expérimenter sans ce dispositif ? Après tout, ce ne serait que l’affirmation d’un futur qui est déjà bien proche lorsque l’on observe les tentatives des artistes comme le designer Thomas Thwaites (GoatMan, 2016) ou encore celles des entreprises elles-mêmes (Sheep View, Google).
« What it is to be a thing ? Les subjectivités non humaines de la ville. » est un atelier qui vous propose d’augmenter la plateforme Mapillary en capturant des points de vue de la ville de Caen, en essayant de fixer des subjectivités des « choses » qui font la ville. Ainsi, vous pourrez observer le territoire perçu par un caillou, un oiseau, une plante, un stylo dans une poche, un vélo, etc. Les « choses » qui serviront à capter ces différents points de vue seront alors, à leur tour, prélevées du paysage par l’utilisation de la photogrammétrie.
Cet atelier est une opportunité de travailler avec les artistes Bérénice Serra et Alix Desaubliaux. Il sera aussi l’occasion de s’initier aux outils de cartographie open source et participative.