Les technologies dites « immersives » font l’objet depuis quelques années d’un véritable engouement principalement suscité par la réalité virtuelle, avec l’apparition fortement médiatisée des visio-casques. Si ce phénomène paraît largement entretenu par les acteurs du secteur eux-mêmes, il traduit aussi un intérêt croissant de la part de différents artistes, producteurs et créateurs audiovisuels, et de nombreux organismes de soutien à la création. Les discours qui accompagnent les projets développés à partir de ces dispositifs mettent le plus souvent en avant une radicale nouveauté formelle et une augmentation des sens pour leurs spectateurs. Pourtant les technologies immersives ne sont pas nouvelles et les problématiques qu’elles soulèvent réactualisent un certain nombre de questions qui se sont déjà posées au cinéma et dans d’autres arts, en particulier la question de l’immersion dans l’image.
Les formes esthétiques qui s’y déploient sont en effet appréhendées en termes d’environnement immersif suggérant ainsi non seulement une expérience sur un mode englobant, sinon absorbant, mais également une réception plus immédiate. Parce qu’ils engagent selon différentes modalités interactives, le corps et l’appareil psychique du spectateur dans l’espace de représentation et dans l’acte de narration, ces « nouveaux » dispositifs cherchent à favoriser des « expériences performatives » où les interfaces sont de plus en plus intégrées. Mais les corps interfacés des spectateurs sont-ils réellement impliqués dans la réception ?
Au-delà de la rhétorique de la surenchère propre à ces nouvelles technologies (réalité augmentée, étendue…), on peut légitimement s’interroger sur les qualités réelles de l’expérience spectatorielle qui en découle. Les nouvelles modalités perceptives qu’elles produisent déterminent-elles pour autant des expériences esthétiques riches, sinon inédites ? Au-delà du spectaculaire et du sensoriel, l’implication multimodale sur laquelle elles reposent (sensori-motrice, cognitive, physiologique, émotionnelle) est-elle réellement signifiante ? Les formes qu’elles façonnent acquièrent-elles une plus grande valeur expressive ? En proposant un espace de représentation a priori sans « cadre », permettent-elles de construire un point de vue, de structurer un regard ou mieux encore, de rendre à l’œil son « état sauvage », pour reprendre les injonctions surréalistes ? Nous proposons dans cette conférence d’explorer quelques enjeux esthétiques/esthésiques des dispositifs immersifs, tout en les replaçant dans une continuité technologique et dans une histoire élargie des arts.
Programme :
– conférence de Claire Chatelet, 9h30-10h45
– présentation du projet #ALPHALOOP d’Adelin Schweitzer, 11h00-11h45
– échange entre Claire Chatelet et Adelin Schweitzer, médiation Luc Brou (Oblique/s) 11h45-12h30
Présentation #ALPHALOOP d’Adelin Schweitzer
#ALPHALOOP est un projet porté par l’artiste Adelin Schweitzer qui aborde la thématique du sacré à travers le prisme de la pratique imaginée du techno-chamanisme, celle-ci affirmant qu’il n’y a pas d’opposition dualiste entre Nature et Technologie, pas de différence structurelle entre les ordinateurs et les autres manifestations «naturelles» de la réalité. Le projet s’inspire librement des théories développées par Timothy Leary sur le chamanisme cybernétique.
Ici, l’artiste a construit une fiction où deux personnages, LUI et le MÉTA accueillent un groupe de volontaires pour une cérémonie un peu particulière. Entre pratiques rituelles et protocoles technologiques, ces deux figures, par ailleurs antagonistes, se situent à l’orée d’un monde où la nature et les machines seraient finalement réconciliées.
Á travers cette oeuvre/experience, Adelin Schweitzer pose un regard critique et singulier sur les technologies de la Réalité Étendue (XR), l’idéologie de l’innovation, et la spiritualité.
– Claire Chatelet
Claire Chatelet est maître de conférence en audiovisuel et nouveaux médias à l’Université Paul-Valéry (Montpellier 3), membre du laboratoire de recherche RIRRA21 et chercheuse invitée au Lerass (équipe Grecom) et au CIS (Centre Internet et Société) du CNRS. Ses enseignements concernent les médias numériques et leur incidence sur la reconfiguration des champs audiovisuels et cinématographiques. Elle a créé en 2012 la licence professionnelle « concepteur audiovisuel et nouveaux médias », une formation technique dédiée aux nouvelles écritures numériques. Elle a été chargée de mission « nouveaux médias » en 2019 à l’ENS Louis-Lumière. De 2002 à 2010, elle a été enseignante en montage et post-production à l’Ecole Nationale Supérieure d’Audiovisuel de Toulouse (ENSAV). De 2000 à 2002, elle a occupé le poste d’ingénieur d’études, responsable du pôle production du Service des technologies de l’information et de la communication à l’Université d’Angers. Elle est par ailleurs auteure et conceptrice de projets interactifs pédagogiques et travaille actuellement à la réalisation d’un film en réalité virtuelle, lauréat de la bourse brouillon d’un rêve « écritures émergentes » de la SCAM. Sa recherche porte sur les écritures audiovisuelles interactives et les enjeux esthétiques/esthésiques des nouveaux écrans. Elle a notamment publié : La Femis Présente : La réalité virtuelle, une question d’immersion ? (avec C. San Martin et C. Lepesant-Lamari, Editions Rouge profond, 2019), Formes audiovisuelles connectées : Pratiques de création et expériences spectatorielles (avec A. Rueda et J. Savelli, Presses Universitaires de Provence, collection « Digitales », 2018) et Nouvelles écritures audiovisuelles interactives (avec M. Lavigne, Interfaces numériques, vol.6, n°1/2017).
– Adelin Schweitzer
Né en 1978, Adelin Schweitzer vit et travaille à Marseille. Diplômé en 2004 de l’École Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence, il poursuit depuis une carrière d’artiste polymorphe à la croisée des chemins entre performances immersives, expérimentations audiovisuelles et nouvelles technologies. Du Rimini Protokoll en passant par Tinguely, Marc Pauline du S.R.L ou bien encore Stelarc, Adelin s’inscrit dans une filiation artistique d’avant-garde. Puisant dans les imaginaires de la science-fiction et des sciences cognitives, l’artiste trace au fils du temps les contours d’un univers prospectif singulier.
Liste des Partenaires :
– ésam Caen/Cherbourg / Laboratoire Modulaire
Le Laboratoire Modulaire est un espace de recherche et création au sein de l’ésam Caen/Cherbourg. Adossé au doctorat de création mis en place par les écoles d’art de Caen/Cherbourg, Le Havre/Rouen et l’école d’architecture de Rouen, le Laboratoire bénéficie d’un financement mission recherche pour la structuration du ministère de la culture et de l’ésam Caen/Cherbourg pour 4 ans. Composé de cinq personnes (Bérénice Serra, Christophe Bouder, Nicolas Germain, David Dronet et Luc Brou), le Laboratoire créé en 2020 propose notamment une bourse annuelle de recherche et création qui a pour objet de recherche la notion de spatialisation.
https://www.esam-c2.fr/-Laboratoire-Modulaire-65-
– Oblique/s plateforme arts & cultures en Normandie
Oblique/s est une plateforme artistique et culturelle dans le domaine numérique en Normandie qui valorise les initiatives régionales et soutient l’implantation territoriale de la création en privilégiant les approches croisées, le décloisonnement et la transversalité à travers la construction d’un réseau des cultures numériques et la production de ressources pour ses acteurs et le public. Oblique/s développe un réseau numérique transversal, préconise la création d’une saison culturelle numérique jeune public, favorise la mobilité et l’articulation avec l’éducation, la recherche et les collectivités.
Oblique/s, membre fondateur et fait partie de HACNUM, réseau national des arts hybrides et des cultures numériques, partenaire de Station Mir co-organise le festival ]interstice[.
http://oblique-s.org
Accès Libre